Du temps pour la traduction : un compromis nécessaire
La traduction est un art et la création d’une œuvre dans toute forme d’art requiert que l’artiste y consacre du temps.
Kevin Coughlan, traducteur en chef
De nos jours, nous pouvons communiquer avec n’importe qui partout dans le monde grâce à Internet, ce qui a permis d’approfondir les connaissances et la compréhension des différentes cultures comme jamais auparavant. Toutefois, ce progrès a également habitué les gens à obtenir ce dont ils ont besoin en un claquement des doigts. La seule façon de vendre quelque chose au public d’aujourd’hui est de lui offrir la gratification immédiate et la plus grande commodité possible. Le progrès lent n’est plus acceptable et peut faire en sorte que votre produit reste sur les tablettes à ramasser la poussière.
Cette réalité se transpose (attention, jeu de mots!) également à la traduction. On peut traduire automatiquement un texte en le copiant dans l’un des nombreux programmes disponibles, lesquels façonnent des combinaisons de mots et des possibilités, puis génèrent une traduction complète. Et voilà le travail! Tout ce que j’ai eu à faire, c’est de cliquer quelques fois sur Copier et Coller. Malheureusement, la réalité est loin d’être aussi parfaite. En fait, ça donne plutôt : « Et voilà le travail! Une traduction qui ressemble à la description que ferait un enfant de cinq ans de la complexité de la physique quantique en inventant des mots au fur et à mesure! ».
Un traducteur peut aussi copier un texte et le coller dans un logiciel de traduction automatique et produire un résultat en quelques minutes, mais il aurait honte de le livrer à un client. Les clients savent que la traduction automatique existe et perçoivent les traducteurs comme des tradbots sur pattes qui ingèrent et régurgitent des mots à longueur de journée. Belle façon de voir les choses…
La différence entre une traduction qui prend cinq secondes à produire et un texte travaillé par un traducteur professionnel est considérable. La traduction est un art et la création d’une œuvre dans toute forme d’art requiert que l’artiste y consacre du temps. Si je réalisais une sculpture à partir d’un gros bloc de marbre en l’assénant de coups de masse pendant dix minutes, pour ensuite vous dire qu’il s’agit d’une flotte de navires, vous ne seriez pas tellement impressionnés, n’est-ce pas? Malheureusement, en tant que traducteurs, contrairement aux artistes, nous n’avons pas la possibilité de défendre notre œuvre en disant : « Mais c’est de l’art abstrait! ».
Lorsqu’on rédige une traduction, l’objectif est d’atteindre un résultat d’une beauté fluide, descriptive et juste qui demeure fidèle aux idées, aux émotions et au ton du texte original. Si on ne prend pas le temps de bien saisir toutes les subtilités du texte, on obtient un amalgame sans âme de combinaisons de mots froides, calculées et logiques, mais bon, l’important c’est d’avoir traduit un texte en deux secondes, pas vrai? À vous de juger. Si on s’attend à ce qu’un traducteur réalise une œuvre d’art, il faut faire des compromis, et ça implique de lui donner du temps.
Kevin Coughlan, traducteur en chef
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